Association Médiévale Romande - Valorisation du patrimoine médiéval suisse romand

La bataille d’Azincourt, 25 octobre 1415

2.2. Déroulement de la bataille

2.2.1 Prémices

Nous pouvons établir que le roi d’Angleterre Henri V, afin d’asseoir la légitimité de sa maison de Lancastre sur le trône d’Angleterre, reprend les anciennes prétentions de ses prédécesseurs ; il veut rendre crédible son règne en gagnant des batailles, des territoires et le royaume de France [1]. Juvénal des Ursins parle des négociations entre Henri V et Charles VI pour éviter la guerre et des raisons de la campagne d’Henri V[2], tout comme le Religieux de Saint-Denis[3]. Le 12 août 1415, le roi d’Angleterre débarque donc en Pays de Caux, dans le Nord géographique de la France, avec une armée[4], (la plupart de nos chroniques sont d’accord sur ce point). Le 15 août, il s’attaque à Harfleur, une ville sur l’estuaire de la Seine, afin de couper le débouché de la Manche du commerce fluvial venant et allant à Paris ; nous tenons la stratégie militaire du roi d’Angleterre de la littérature secondaire, car nous n’avons pas trouvé de sources là-dessus[5].

En général, les sources se recoupent très bien sur les événements de l’avant bataille : les points principaux de la campagne d’Henri V jusqu’à Azincourt ne sont pas sujets à controverse car pas de nature à exciter les points de vue partisans. Les principaux sujets de discorde se trouvent dans les effectifs des armées, un sujet traité plus haut, sur lequel nous ne reviendrons pas, et sur les commentaires portés sur le comportement des Français ; en effet, selon que le chroniqueur est pro-Armagnac ou pro-Bourguignon, il sera prompt à dénigrer les autres et à enjoliver son camp, il faudra donc être attentif au discours des chroniqueurs sur la réaction des Français à l’expédition d’Henri V. Par exemple, Cagny critique le comportement du duc de Bretagne qui a mis du temps à se mettre en marche contre Henri V et qui ne voulait pas se battre sans le duc de Bourgogne à ses côtés[6] ; ou encore le Bourgeois accuse les Armagnacs de lenteur pour contrer les Anglais à Harfleur, alors que l’historienne Beaune nous explique que c’est dû au temps pour lever l’armée et non à une mauvaise volonté des Armagnacs, elle ajoute que le Bourgeois ne fustige nullement les Bourguignons alors que ceux-ci sont plus critiquables sur ce point[7].

Henri V prend Harfleur après un mois de siège à l’aide de cinq ou six grosses bombardes et autres engins d’artillerie selon Cagny; Juvénal des Ursins parle de « grosse artillerie, bombardes et canons »[8]. La littérature secondaire atteste également la présence de canons[9]. Cagny nous explique qu’après sa victoire, qui lui a pris plus de temps qu’il ne pensait, Henri V décide de remonter sur Calais afin de rentrer en Angleterre[10], les autres chroniques s’accordent sur cette retraite du roi d’Angleterre. L’historien Keegan nous explique que « pour l’honneur, il lui fallait au moins avant de quitter le pays traverser, avec précautions, certaines des terres qu’il réclamait. »[11] Des nobles français dont le duc de Bretagne, celui d’Orléans et celui de Guyenne se mettent en marche, avec leurs hommes, et se rassemblent pour contrer le roi d’Angleterre, selon Gruel[12]; si ce dernier cite surtout les gens de son camp, les Armagnacs, il s’agit aussi d’un fait que les Bourguignons ont été réticents à entrer en guerre contre les Anglais[13].

Pour arriver à Calais, Henri V longe la côte française au bord de la manche, mais pour traverser la Somme, il doit trouver un gué ou un pont sur ce fleuve et pour ce faire il doit rentrer dans les terres[14]. En outre, à chaque fois qu’Henri V trouve un gué, une armée française l’empêche de traverser en se tenant de l’autre côté de la rive[15]. Cette retraite qui s’éternise produit « moult grant deffaulte de vivres […] de grant paines et travaux auxdiz Englois et […] de grans dommages »[16] selon Cagny ; cet aspect est aussi développé dans Gesta Henrici Quinti[17]. L’historien Keegan parle en effet de la fatigue, du manque de nourriture et de la maladie[18]. Mais, toujours selon Cagny et selon Elmham, la nuit du 19 octobre, malgré la peine que se donnaient les français, les Anglais arrivent finalement à traverser entre Péronne et Saint-Quentin[19]. Les Français se tiennent alors face aux Anglais sur la route de Calais, dans un champ entre Azincourt et Tramecourt, selon Cagny et Le Fèvre de Saint-Rémy[20]. En effet, l’historien Keegan nous informe que : « Le soir du 24 octobre des éclaireurs revinrent dire à Henry que l’ennemi était devant et déployé en ordre de bataille »[21]. La littérature secondaire nous parle de la météo, de la pluie et de la boue de ces derniers jours avant la bataille[22], ce qui atteste les dires de Le Fèvre de Saint-Rémy à ce sujet[23] . L’historien Keegan affirme que les hommes prient, « se confessent » et qu’un office religieux est tenu le soir avant la bataille[24]. Les deux armées ennemies dorment sur place nous dit Gruel[25], ce que confirme l’historien Keegan.[26]

[1] GOURDON, art. cit. KEEGAN John, Anatomie de la Bataille. Azincourt 1415, Waterloo 1815, La Somme 1916, COLONNA Jean (trad.), Paris : Robert Laffont, 1993 (éd. originale anglaise 1976), (Géostratégie), p. 50. Universalis, « AZINCOURT BATAILLE D' (25 oct. 1415) », Encyclopædia Universalis [en ligne].
[2] JUVENAL DES URSINS, op. cit., p. 506 et p. 521.
[3] Le Religieux de Saint-Denis, op. cit. p. 22.
[4] CAGNY, op. cit., p. 94. Journal d’un Bourgeois de Paris, op. cit., p. 86. JUVENAL DES URSINS, op. cit., p. 506. GRUEL, op. cit.,  p. 15.
[5] KEEGAN, op. cit., p. 50. Keegan dit lui-même que « nous en sommes réduits aux conjectures ». MOLLAT DU JOURDIN, op. cit., p. 61.
[6] CAGNY, op. cit., p. 100-101.
[7] Journal d’un Bourgeois de Paris, op. cit., p. 86.
[8] CAGNY, op. cit., p. 94. JUVENAL DES URSINS, op. cit., p. 506.
[9] Keegan pense que « trois canons » ont bien été utilisés contre les murs, dans KEEGAN, op. cit., p. 51. Bove et al. parlent aussi d’armes de siège dans BOVE, BIGET et al., op. cit., p. 256.
[10] CAGNY, op. cit., p. 97.
[11] KEEGAN, op. cit., p. 52.
[12] GRUEL, op. cit., p. 16.
[13] Journal d’un Bourgeois de Paris, op. cit., p. 86, note 21.
[14]KEEGAN, op. cit., p. 52. A ce sujet, voir la carte que nous avons nommé « Déplacements des armées anglaise et française en 1415 », en annexe p. 30, tirée de CURRY et MERCER op. cit., p. xvi.
[15] CAGNY, op. cit.,  p. 97-98.
[16] Ibid., p. 98.
[17] Gesta Henrici Quinti, op. cit., p. 27.
[18] KEEGAN, op. cit., p. 52-53.
[19] CAGNY, op. cit., p. 98. ELMHAM op. cit., p. 45.
[20] CAGNY, op. cit., p. 99. LE FEVRE DE SAINT-REMY, op. cit., p. 195-196.
[21] KEEGAN, op. cit., p. 53.
[22] BOVE, BIGET et al., op. cit., p. 256. ALLMAND, La guerre de Cent Ans, op. cit., p. 59.
[23] LE FEVRE DE SAINT-REMY, op. cit., p. 195-196.
[24] KEEGAN, op. cit., p. 53.
[25] GRUEL, op. cit.,  p. 17.
[26] KEEGAN, op. cit., p. 53.

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