Association Médiévale Romande - Valorisation du patrimoine médiéval suisse romand

Généralités

Les termes Arts Martiaux Historiques Européens « AMHE » définissent une nouvelle activité contemporaine située entre sport et culture. Elle consiste à recréer des techniques martiales européennes perdues, à travers une démarche comportant à la fois de la recherche et une pratique expérimentale. Il s’agit d’une activité assimilée à de l’histoire vivante, tout comme la reconstitution historique, dont elle diffère néanmoins au niveau de la méthode.

Art martial : Ensemble de principes et de techniques utilisées au combat avec ou sans armes,

Historique : Basé sur des sources historiques directes (traités de combat) et périphériques (iconographies, chroniques, règlements, artefacts archéologiques, etc.).

Européen : Ces sources proviennent de l'espace culturel européen.

(Gaëtan Marain et Alexander Pierre, « La démarche des arts martiaux historiques européens », PEAMHE 2009)

L’enseignement de ces arts martiaux ancestraux se faisait généralement par oral, mais la transmission n’a pu être constante et une rupture s’est inscrite dans l’histoire. Cependant, grâce à des sources écrites, il est maintenant possible d’étudier de nombreux systèmes de combat européens qui étaient encore inconnus il y a quelques années. Il devient alors possible de les mettre en pratique, en respectant dans la mesure du possible leur cadre géographique et temporel spécifique.

L’objectif des AMHE est de rétablir les anciennes traditions martiales d’Europe afin de les insérer et de les pratiquer dans notre société contemporaine. Pour ce faire, cette activité qui se situe donc entre sport et culture associe une démarche moderne, sécurisée et un contenu accessible à tous afin d’obtenir la reconnaissance du public. L’intérêt des pratiquants est donc conceptualisé à la fois par une vision du passé et un intérêt pour le patrimoine, sans oublier l’aspect ludique d’une pratique de loisir.

Histoire

L’origine de l’escrime remonte à plusieurs millénaires, mais la période de la fin du Moyen Âge a vu la rédaction de nombreux traités codifiant et transmettant ces pratiques de manière systématique, à la fois par le texte et par l’image. Outre l’épée à deux mains, ou épée longue, on y trouve aussi des techniques au fauchon, au bouclier, à la dague, ainsi qu’aux armes d’hast (lance, hache), sans oublier la lutte et le corps à corps, qui occupaient également une place importante dans la pratique martiale médiévale.

Les manuscrits sont pour la plupart datés entre le XIIIe et le XVIe siècle, et proviennent de plusieurs pays d’Europe, notamment d’Angleterre et d’Italie, mais surtout d’Allemagne. En effet, une tradition germanique spécifique se dégage vers le milieu du XVe siècle : ces manuscrits, appelés « Fechtbücher », ont en commun d’avoir été rédigés par des maîtres se réclamant tous héritiers et continuateurs de Johannes Lichtenauer, «grand maître de l’art», à qui est attribué un traité de «Kunst des Fechtens» de la fin du XIVe siècle. Rédigé sous la forme d’un long poème relativement obscur, l’enseignement de cette figure quasi-mythique a par la suite été explicité par le travail de ses glossateurs, par exemple Sigmund Ringeck.

Ainsi, quelques quatre-vingts manuscrits médiévaux (dont près de 80% en langues germaniques) nous sont connus, mais seul un quart d’entre eux a fait l’objet d’une édition scientifique. L’étude de ce corpus est une discipline complexe, car il reste très difficile d’analyser la question des relations entre les traités et les pratiques martiales, même si des systèmes techniques spécifiques – comme celui de l’escrime « liechtenauerienne » – peuvent être identifiés.

Démarche

La démarche des Arts Martiaux Historiques Européens comprend un lien étroit entre la recherche et la pratique expérimentale. C’est une des clés fondamentales pour rendre aux traditions martiales européennes leurs lettres de noblesse.

En effet, pour retrouver ces gestes perdus, il faut procéder à une recherche scientifique qui comprend en premier lieu le choix d’une source primaire (généralement textuelle) afin de l’étudier. Pour cela, des chercheurs universitaires ainsi que des passionnés procèdent méthodiquement à la transcription d’une œuvre puis à une traduction soumise à interprétation. Cette traduction rend la source accessible à un plus grand nombre de pratiquants qui peuvent ensemble interpréter les textes et expérimenter les gestes. Ainsi, après le choix d’un postulat, il est alors possible de vérifier son exactitude à travers une pratique expérimentale et physique.

Cette démarche (transcription, traduction, interprétation, pratique), comme tout processus de recherche, n’est pas linéaire : il arrive souvent que l’interprétation ou la pratique viennent remettre en question la traduction voire l’usage d’un terme. Au-delà des techniques spécifiques, l’on parvient au final, en croisant les multiples sources à disposition, et en prenant en compte certains éléments du contexte historique, à reconstituer un système cohérent de combat, qu’il est alors possible d’utiliser en situation d’assaut moderne, et également d’enseigner.

La démarche des AMHE fait appel à une gamme de compétences aussi nombreuses que diversifiées, qui vont de la paléographie à l’expérience martiale en passant notamment par la linguistique, la biomécanique et la pédagogie, entre autres. De là émerge l’importance accordée dans la discipline au partage de connaissances et au travail communautaire, afin de mettre à profit les expériences de chacun. Ainsi, l’on arrive à faire revivre des gestes perdus, qui peuvent maintenant être conservés et transmis à nouveau aux générations futures.

Communauté

Les Arts Martiaux Historiques Européens se veulent résolument ouverts à tous. Les membres de la communauté proviennent de tous horizons et pas uniquement du cadre estudiantin. C’est ensemble qu’ils construisent les bases des AMHE en tentant de les insérer dans notre époque avec une structure adaptée à la société actuelle.

Les membres forment généralement des groupes et participent à des séances régulières et encadrées, en suivant la plupart du temps la structure d’un entraînement sportif moderne (échauffement, travail musculaire, etc.). En parallèle, des événements locaux, nationaux et même internationaux sont régulièrement organisés afin de favoriser les échanges entre les membres de la communauté et faire évoluer la discipline.

Toujours dans l’idée d’un encadrement adapté à la société, des fédérations nationales se conçoivent depuis quelques années (par exemple en Suisse en 2012) pour fixer la démarche dans les AMHE, tout en laissant la liberté aux groupes d’adapter le taux de recherche et de pratique dans leurs activités. En 2014, une fédération internationale (IFHEMA) a également vu le jour et offrira certainement de nombreux outils pour faciliter la constitution et le fonctionnement des groupes, ainsi que pour faire reconnaître les AMHE comme nouvelle discipline à part entière.

Depuis peu se développe une nouvelle forme de pratique, qui consiste à recevoir un enseignement des techniques plutôt qu’à procéder aux recherches et aux lectures de sources. Cette instruction fait entrer les AMHE dans un loisir de consommation passive, qui ne représente pas une fin en soi. D’une certaine manière, cela correspond à une nouvelle rupture avec une pratique ancestrale, mais cela permet également d’atteindre un nouveau public, qui contribue à l’essor des Arts Martiaux Historiques Européens.

Pratique

La pratique des AMHE s'effectue avec des armes neutralisées, le plus souvent en acier, en nylon ou en bois. Afin de prévenir les blessures, un équipement de protection est également utilisé. Ce dernier s'inspire du matériel d'autres sports et depuis quelques années déjà, de l'équipement spécialisé a aussi fait son apparition et subit sans cesse des améliorations grâce aux nombreux retours de la communauté

La démarche des Arts Martiaux Historiques Européens, dans sa recherche de restitution du geste ancestral, offre une multiplicité d'utilisations dans plusieurs domaines qui lui sont souvent associés. L'on voit par exemple se développer une pratique sportive axée sur la compétition, avec des tournois à l'échelle internationale. En parallèle, le monde du théâtre et du spectacle a également recours aux connaissances issues de la recherche en AMHE en l'adaptant aux exigences de mise en scène. Il est également possible de joindre AMHE et reconstitution historique, en approfondissant les domaines de l'armement, de l'habillement, de la vie quotidienne, etc.

Ainsi, les Arts Martiaux Historiques Européens s’enrichissent de compétences et de visions très diverses qui se rejoignent dans la même passion du geste séculaire, permettant dès lors, par une approche à la fois scientifique et pratique, de tracer un trait d’union entre le passé et le présent.

Pour aller plus loin

www.ifhema.com

www.swiss-hema.ch

Jaquet, Daniel (éd.), L'art chevaleresque du combat. Le maniement des armes à travers les livres de combat (XIVe-XVIe siècle), Neuchâtel : Alphil Presses Universitaires Suisses, 2013.

Marain, Gaëtan et Pierre, Alexander, «La démarche des arts martiaux historiques européens (AMHE)», Pôle d’Etude des Arts Martiaux Historiques Européens, Paris I Panthéon-Sorbonne, 2009.

Marain, Gaëtan et Pierre, Alexander, «AMHE : du geste martial ancien au sport d’opposition moderne», masterfight.net, 2014.

Tuaillon Demésy, Audrey, La re-création du passé: enjeux identitaires et mémoriels : approche socio-anthropologique de l’histoire vivante médiévale. Besançon: Presses universitaires de Franche-Comté, 2013.

Tuaillon Demésy, Audrey, « Faire revivre les duels des XVe et XVIe siècles : la place des Arts martiaux historiques européens dans l’évolution de l’offre de loisirs », Staps, 101(3), p. 119-134, 2013.

Image : Hans Lecküchner, Kunst des Messerfechtens - BSB Cgm 582 folio 9v.

Image : Hans Lecküchner, Kunst des Messerfechtens - BSB Cgm 582 folio 9v.

Image : Johan Liechtnawers Fechtbuch geschriebenn - SLUB MS Dresd. C. 487 Folios 5v. et 6r.

Image : Johan Liechtnawers Fechtbuch geschriebenn - SLUB MS Dresd. C. 487 Folios 5v. et 6r.

Image : Hans Talhoffer, Fechtbuch von 1467 - BSB Cod.icon. 394 a folio 4v.

Image : Hans Talhoffer, Fechtbuch von 1467 - BSB Cod.icon. 394 a folio 4v.

Image : Swiss-Gathering 2014, Association Médiévale Romande


Image : Swiss-Gathering 2014, Association Médiévale Romande

Images : Association Médiévale Romande

Images : Association Médiévale Romande