Association Médiévale Romande - Valorisation du patrimoine médiéval suisse romand

La bataille d’Azincourt, 25 octobre 1415

2.2.3. Bilan et conséquences

Nous allons tenter dans ce chapitre de donner les chiffres des morts dans les deux camps et les chiffres des prisonniers français. Précédemment, nous avons pu établir que les effectifs de base sont de 12’000 Français et 8000 Anglais environ. Il y a une grande difficulté pour savoir combien d’Anglais et de Français sont morts et combien de Français sont devenus prisonniers à cette bataille, premièrement par la divergence des sources sur les chiffres des effectifs au départ de la bataille et deuxièmement par la divergence des sources sur ce point, de par la difficulté de dénombrement et à cause du parti pris suivant le camp.

Le Bourgeois, Cagny, Monstrelet et Gruel font une liste des nobles et des connétables français et des anglais morts et/ou prisonniers. Monstrelet évoque le chiffre de 10’000 morts français ou plus et 600 morts anglais[1]. Gruel parle de 10’000 morts, prisonniers ou fuyards[2]. Cagny exprime 5’000 à 6’000 morts français[3]. Le Bourgeois parle de 3’000 chevaliers français tués[4]. Nous nous basons également sur le tableau « Estimations des effectifs selon les différentes chroniques » en annexes, qui reprend la plupart des chiffres cités plus haut[5]. Les historiens Bove et al. affirment 3’000 morts français et 500 morts anglais[6]. L’historienne Beaune nous donne les chiffres de 3’000 à 4’000 morts français dont 600 chevaliers et barons – soit  40% de leur effectif[7] nous dit l’historien Gaier – elle ajoute que « chevalerie et baronnage de France du Nord furent décapités. »[8] 1’500 Anglais sont morts selon l’historienne Beaune[9]. Si l’on fait le calcul, cela fait selon elle qu’environ un quart des français engagés dans la bataille et un septième des Anglais sont morts. Nous pensons que ces chiffres sont raisonnables par rapport à notre appréciation des effectifs et au vu du fait que les chroniqueurs français, sûrement sur le coup de la violence de la bataille et du choc de la défaite, et les Anglais pour glorifier leur victoire, ont gonflé les chiffres des morts. Les chiffres revus à la baisse par l’historienne Beaune, sont encore très hauts. Généralement, les batailles du Moyen Age font peu de morts, mais ce jour-là il y en a eu beaucoup. Le massacre des prisonniers a certainement joué un rôle dans ces chiffres hauts.

Pour les prisonniers, les sources sont moins bavardes que pour les morts :  Gruel nous dit 10’000 morts, prisonniers ou fuyards[10] mais quelle proportion de prisonniers ? Le Bourgeois, comme beaucoup d’autres sources, nous donne une vingtaine de noms de nobles puis dit qu’il y en a bien d’autres[11]. Les historiens Bove et al. nous parlent de 1’500 prisonniers français[12]. A notre avis, ce chiffre est raisonnable au vu des effectifs des deux armées et des morts, mais comme il est difficile de trancher entre les différentes chroniques, « on est forcé de retenir une large fourchette de 700 à 2 200 prisonniers français capturés à la bataille d’Azincourt »[13]. Ambühl souligne les fortunes diverses que les prisonniers ont connues : ceux qui représentent un intérêt politique – d’ailleurs mieux connus par les sources – ou les chevaliers assez riches ont pu être libérés contre rançons, mais d’autres sont morts en prison (comme le maréchal Boucicaut), ou ont fini leur vie de manière misérable en Angleterre[14].

Après la bataille d’Azincourt, Henri V rejoint Calais, puis retourne en Angleterre avec ses prisonniers[15], les sources s’entendent sur ce point. Henri V a réussi à former une tête de pont assez solide pour conquérir la Normandie[16]. Les conséquences politiques n’ont pas été directes du fait que le roi[17] et sa famille proche n’étaient pas là ; mais sa victoire est un premier jalon d’Henri V pour finalement imposer son traité de Troyes qui le fera roi de France après la mort de Charles VI.[18] Au vu de leurs engagements dans la bataille, de la « déception»[19] de la défaite, le lourd tribut en morts, en prisonniers – à l’image de Charles d’Orléans, fils de Louis d’Orléans –, les Armagnacs sont affaiblis ; au contraire, de par leur peu d’engagement, les bourguignons en ressortent renforcés car ils sont plutôt du côté des Anglais et contre les Armagnacs[20].

[1] MONSTRELET, op. cit., p. 119 et p. 110.
[2] GRUEL, op. cit., p. 18.
[3] CAGNY, op. cit., p. 100.
[4] Journal d’un Bourgeois de Paris, op. cit., p. 88.
[5] Tableau tiré de CURRY, op. cit., p. 12. Voir en annexe p. 31.
[6] BOVE, BIGET et al., op. cit., p. 256.
[7] GAIER Claude, « Art et organisation militaires dans la principauté de Liège et dans le comté de Looz au Moyen Age », Mémoires / Académie royale de Belgique. Classe des lettres et des sciences morales et politiques, 2e série ; 59 (3), 1968, p. 67-79. Cité par CONTAMINE, La Guerre au Moyen Age, op. cit., p. 416.
[8] Journal d’un Bourgeois de Paris op. cit., p. 88.
[9] Ibid., p. 88.
[10] GRUEL, op. cit., p. 18.
[11] Journal d’un Bourgeois de Paris op. cit., p. 88. CAGNY, op. cit., p. 99-100.
[12] BOVE, BIGET et al., op. cit., p. 256.
[13] AMBÜHL Remy, « Le sort des prisonniers d’Azincourt (1415) », Revue du Nord 372 (4), 2007, p. 756.
[14] Ibid.
[15] GRUEL, op. cit., p. 19.
[16] BLANCHARD et CONTAMINE, op. cit., p. 181.
[17] Le Religieux de Saint-Denis, op. cit., p. 37.
[18] BLANCHARD et CONTAMINE, op. cit., p. 181.
[19] MOLLAT DU JOURDIN, op. cit., p. 65.
[20] BOVE, BIGET et al., op. cit., p. 256.

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