Association Médiévale Romande - Valorisation du patrimoine médiéval suisse romand

La bataille d’Azincourt, 25 octobre 1415

2.2.2. Sur le champ de bataille

A nouveau, à l’instar des prémices, comme nous le dit Keegan, « on peut estimer raisonnablement que les récits d’Azincourt ne sont pas sujet à caution »[1] ; nous le pensons du fait que les sources se recoupent très bien et qu’il n’y a pas de contradiction flagrante. Cagny, pour introduire son propos sur la bataille, annonce : « laquelle fut tres piteuse et de tres grant dommage inrecuperable, pour le roy principalement et pour touz ceulx de son royaume, grans, moyenz et petiz, car elle fut à l’onneur et prouffit du roy d’Engleterre. »[2]. Le 25 octobre 1415, la bataille d’Azincourt a lieu[3] selon la plupart des sources ; les historiens sont d’accord sur cette date. L’historien Keegan avance l’heure de 6h40 pour le rassemblement des armées face à face et il ajoute que celles-ci restent dans cette position sans rien entreprendre pendant quatre heure, donc il situe le début de la bataille vers 10h30[4]. « La durée de la bataille fut de quatre heures » selon l’historien Contamine[5]. Contamine cite une source anglaise pour montrer le besoin de se sécuriser des combattants et des non-combattants par des prières et rites religieux, les anglais « avant d’aller au combat, les genoux fléchis, embrassèrent la terre à trois reprises »[6]. Et « pendant la bataille, les chapelains et les aumôniers priaient pour le succès de leur parti »[7]. On peut aisément admettre que le même phénomène s’est produit dans les lignes françaises, le religieux de Saint-Denis l’affirme[8].

Gruel raconte que le champ de bataille est très étroit ce qui n’est pas adapté à de si vastes armées. Il narre le fait que les chevaliers d’abord lancés sur les ailes de l’armée d’Henri V, prennent peur des flèches anglaises très nombreuses et battent en retraite ce qui brise les formations en marche des soldats à pieds et crée un désordre dans l’armée française sur lequel l’armée anglaise avance sans répit[9].  Cette narration est très proche de celle que présente d’autres sources[10], l’historien Keegan et la littérature secondaire en général[11]. Gruel nous notifie bien que l’avant-garde française est brisée ce qui porte un coup moral car elle contient en principe les meilleurs combattants. Gruel rapporte qu’Henri V et son carré ont été durement touchés, le roi devant la force d’un coup est tombé à genou. Selon lui, le frère du roi d’Angleterre, le duc de Clarence, est abattu à coup de hache[12], pourtant l’historienne Beaune établit que celui-ci est mort à la bataille de Beaugé en 1421 et en outre n’était pas à Azincourt, vu qu’ « il participa aux campagnes de France à partir de 1420 », de même aucun autre frère d’Henri V n’est mort à Azincourt[13]. Selon Capgrave et Monstrelet, le duc d’York est décédé sur le champ de bataille[14].

L’historien Keegan, nous explique que durant toute la bataille la troisième ligne française reste inactive, ce qui angoisse les Anglais qui ne savent pas ce qu’elle mijote. Quand ils entendent que des hommes en armes sont en train d’attaquer leur bagage, les Anglais paniquent et le roi Henri V ordonne à ses hommes de tuer les prisonniers pour éviter d’être pris sur deux fronts, en effet les prisonniers pourraient échapper à la vigilance pendant l’attaque sur l’arrière des lignes anglaises, prendre des armes au sol et les Anglais seraient en mauvaise posture[15]. Le Brut[16] et Le Fèvre de Saint-Rémy notamment en parlent dans leurs chroniques :

Quand les Anglais les aperçurent ensemble en telle manière, il fut ordonné de par le roi d’Angleterre que chacun tuât son prisonnier. Mais ceux qui les avaient pris ne voulurent pas les tuer, car ils en attendaient grande finance. Lors, quand le roi fut averti que nul ne voulait tuer son prisonnier, il ordonna un gentilhomme avec 200 archers et lui commanda que tous prisonniers fussent tués. Si accomplit cet écuyer le commandement du roi, qui fut moult pitoyable chose.[17]

[1] KEEGAN, op. cit., p. 57. Il ajoute tout de même « mais il vaut mieux y regarder de plus près ».
[2] CAGNY, op. cit., p. 99.
[3] Ibid., p. 99. Journal d’un Bourgeois de Paris, op. cit., p. 87. Gruel dit que la bataille se passe le 26 octobre dans GRUEL, op. cit., p. 17. Mais la majorité des sources ne se trompent pas et annonce le 25 octobre.
[4] KEEGAN, op. cit., p. 58.
[5] BLANCHARD et CONTAMINE, op. cit., p. 179.
[6] KINGSFORD C. L., English Historical Literature in the Fifteenth Century, Oxford, 1913, 317. Cité par CONTAMINE Philippe, La Guerre au Moyen Age, Paris : Presses universitaires de France, 1986 (19801), (Nouvelle Clio 24), p. 473. Contamine cite la source utilisée qui n’est autre que Gesta Henrici Quinti, éd. TAYLOR F. et ROSKELL J.S., Oxford, 1975, XXXV).
[7] CONTAMINE, La Guerre au Moyen Age, op. cit., p. 473.
[8] Le Religieux de Saint-Denis, op. cit., p. 39-40.
[9] GRUEL, op. cit., p. 17.
[10] Le Religieux de Saint-Denis, op. cit., p. 39-40. JUVENAL DES URSINS, op. cit., p. 520.
[11] KEEGAN, op. cit., p. 53-57. Voir notamment la carte p. 54, qui se trouve dans nos annexes p. 30, que nous avons nommé « position des armées entre Azincourt et Tramecourt ». Journal d’un Bourgeois de Paris op. cit., p. 88. Beaune écrit : « la tactique suivie par les troupes royales fut particulièrement mal choisie. La charge frontale en terrain difficile ne pardonne pas ». ALLMAND, La guerre de Cent Ans, op. cit., p. 51, ne fait pas un récit différent.
[12] GRUEL, op. cit., p. 17-18.
[13] Journal d’un Bourgeois de Paris, op. cit., p. 501, p. 488.
[14] CAPGRAVE, op. cit., p. 77. MONSTRELET, op. cit.,  p. 110.
[15] KEEGAN, op. cit., p. 78-79.
[16] Brut, op. cit., p. 92-93.
[17] LE FEVRE DE SAINT-REMY op. cit., p. 201.

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