Association Médiévale Romande - Valorisation du patrimoine médiéval suisse romand

Le développement des AMHE en Suisse romande

Voici l’interview réalisée avec Clair de Lame à l’occasion de la bourse aux armes de Lausanne le 30 novembre 2012. Nos questions ont porté principalement sur le développement des AMHE en Suisse romande.

Merci à Julian, Cédric et Julien d’avoir aimablement répondu à nos questions.

Comment êtes-vous entré dans les AMHE ?

Julian : Cela faisait longtemps que je voulais en faire, j’ai donc cherché sur Internet quelques clubs, mais sans résultats probants. Et puis, j’ai rencontré un jour Julien Vuagniaux de Romainmotier dans une fête médiévale. Je savais que lui faisait partie d’une troupe et à ce moment-là, je lui ai demandé s’il était d’accord de tourner dans un clip musical de mon groupe de musique. Lui et sa troupe — Clair de Lame justement — ont accepté de figurer et de faire des combats pour notre clip, et comme l’ambiance du club m’a plu, je me suis inscrit assez rapidement.

Dans la pratique des AMHE, quel est votre domaine favori ?

Julian: Alors je me bats beaucoup à la rapière [il montre les rapières sur le stand], une lame fine du 16, 17, 18ème siècle. C’est l’arme que je maîtrise le mieux, mais j’aime aussi beaucoup l’épée à deux mains, même si je la maîtrise beaucoup moins.

Nous sommes à l’expo Beaulieu et vous présentez un stand sur l’évolution de l’arme blanche à travers le temps. Quelles sont vos attentes vis-à-vis du public ?

Julian : On veut partager ce savoir et cette collection. Les gens que ça intéresse posent des questions, et on peut vraiment voir l’évolution des armes : d’abord elles étaient comme ceci après comme ça, puis elles deviennent de plus en plus longues, et tout à coup on passe d’une épée vraiment longue et d’un poids relatif à quelque chose d’extrêmement fin et extrêmement léger. On veut expliquer aux gens ce qu’il s’est passé, quel a été le déclic derrière ces changements.

Parmi les gens qui viennent poser des questions sur le stand, s’agit-il plus de personnes qui s’y connaissent déjà ou d’amateurs ?

Julian : Il y a de tout. Il y a des experts en laiton qui viennent nous interroger sur la composition chimique de la garde d’une dague mais aussi des gens qui n’y connaissent rien et qui sont simplement curieux et contents d’apprendre des choses.

Que pensez-vous de l’essor des AMHE en Suisse romande ?

Julian : Je pense que c’est très bien. Maintenant on commence de plus en plus à s’intéresser aux arts martiaux historiques européens, parce que beaucoup de gens font du judo, du karaté, toutes ces choses qui sont asiatiques, mais tout ce qui est européen reste méconnu. Le fait de s’intéresser à ce qui s’est fait ici aussi montre qu’on était pas que des espèces de brutes sanglantes, il y a vraiment toute une technique et un apprentissage derrière, c’est vraiment un art martial complet.

Cédric : C’est que les AMHE ne sont pas très connus et je trouve que c’est bien que ce soit développé sur le Forum Médiéval Romand, car quand on ne connaît pas des personnes qui sont dans le milieu c’est difficile de s’intégrer, de trouver des gens et des choses comme ça. Sur Internet par exemple, on tombe uniquement sur les grandes entités qui mettent à fond sur le marketing et qui font de la pub, et on a l’impression que ce sont les seules qui existent et on ne se rend pas compte qu’il y a d’autres clubs AMHE en Suisse romande. Une des premières choses que j’ai appris à Clair de Lame est justement qu’il existe tel club, telle personne, tel forum, dans telle région : il y en a pas mal, mais ils ne sont pas forcément recensés donc il faut vraiment être à l’intérieur pour les connaître.

Sur le forum, nous avons répertorié plusieurs clubs de la région qui s’essaient à l’escrime historique. Quelles sont vos relations avec eux ?

Julian : Alors, à Clair de Lame, nous avons de bonnes relations avec GAGSchola, ainsi qu’avec un autre groupe à Martigny qui est plus spécialisé Viking ; les Gardiens du Fleuve. On est d’ailleurs en train d’organiser un stage ensemble. Je crois que globalement, les relations inter-clubs sont tout à fait cordiales.

Vous montez donc des projets ensemble ?

Julian : Justement, avec les Gardiens du Fleuve on va organiser un stage le week-end prochain [réd: les 8 et 9 décembre] de glima, c’est-à-dire de lutte viking. Ils prêtent la salle et organisent le voyage depuis la Suède de celui qui va venir nous enseigner la lutte viking, un ancien champion de glima. Quant à nous, on met à disposition notre assurance pour tout ce qui est combat.

Selon vous, quel est l’avenir des AMHE à long terme en Suisse Romande ?

Julien (en passant): Bon ! Mais il faut rester sur de la technique et du sparring (combat libre), et pas du tournoi, car sinon on perd tout l’intérêt, par exemple au Swordfish (événement suédois).

Cédric : Il y a une fédération qui est en train de se faire, elle est active depuis le mois d’octobre et Clair de Lame en fait partie. C’est une bonne chose que ce soit régi par des règles et qu’on soit protégés aussi. Il y a aussi tout ce problème du danger : pour l’instant ça va bien, il n’y a pas trop d’accident et on est pas très connu, mais au moment où les médias et le grand public vont poser leur regard sur nous, il suffit qu’il y ait un accident pour qu’on mette tout de suite le doigt dessus. Cela peut tout faire dégringoler, faire passer nos armes pour dangereuses et les interdire à la vente par exemple.

Pour terminer, qu’est-ce qui, selon vous, pourrait favoriser cet intérêt pour les AMHE?

Julian : Que les médias s’y intéressent, mais de manière positive, et pas qu’on soit dépeint comme des espèces de psychopathes. Il faudrait médiatiser, mais dans le bon sens, ou sinon qu’ils continuent à nous laisser en paix. Parce qu’au fond, malgré le fait que ce soit des armes et que ça ait l’air dangereux, c’est aussi toute une pratique. Justement, on sait qu’on a une arme entre les mains et c’est tout un processus qu’on développe pour faire attention. Par exemple, les débutants ont une canne, mais même cette canne reste une arme qui pourrait casser un doigt, un poignet, ou crever un œil : c’est tout un tas de choses auxquelles on essaie justement de faire très attention. On a jamais eu d’accident, le seul qui me vienne à l’esprit était extrêmement stupide, c’était après un échauffement, on rengaine l’épée et quelqu’un se l’est plantée dans le corps au moment de la mettre dans le fourreau. C’est la seule vraie entaille qu’il y a eu dans le cadre de Clair de Lame. Sinon c’est comme au football, des bricoles, jamais agréables, mais rien de grave. On s’entraîne avec des armes émoussées et des protections, on est responsable. Ce n’est pas parce qu’on a des épées en fer qui pèsent lourd et que il y a 500 ans ils se tuaient avec de manière parfois barbare que ça fait de nous des psychopathes. C’est tout un apprentissage, un self-control, donc si les médias s’intéressent à ce qu’on fait, il faut qu’ils le fassent dans l’ensemble et pas juste par rapport aux épées qui coupent.